jeudi 14 novembre 2013

Petite leçon de civilisation par Giorgione (1477-1510)




L’historien doit éviter deux écueils, « le syndrome de l’amoureux transi » (voir trop) et la négligence de l’œil (ne pas voir).
Cette négligence de l’œil, Alain Jaubert dans l’excellente et révolue série d’émissions « Palette » en donna quelques exemples frappant, en ne négligeant pas le témoignage, ici d’un botaniste, là d’un historien du costume, dont l’éclairage pouvait changer substantiellement la signification du tableau. Certes, l’œil n’est jamais nu : la vision experte est nécessairement imprégnée de connaissances. Il n’empêche qu’un lys n’est pas un narcisse, ce qui requiert une attention visuelle au tableau, préalable nécessaire si l’on ne veut pas répéter des erreurs.

Les « trois philosophes » fut réalisé par le maître du Titien, le vénicien Giorgione vers 1504, à l’âge de 27 ans. Que montre ce tableau ?

Les trois hommes se tiennent sur une sorte de podium, une plateforme de roche composée en paliers. Sur le premier, un vieillard est debout, tourné de profil et tient dans sa main, un manuscrit sur lequel sont inscrites des figures géométriques et dont la plus significative est un croissant de lune (symbole multiple : de la mère nourricière, de la résurrection, du temps qui passe, du cycle naturel…). Son visage est éclairé mais une partie de son corps disparaît dans l’obscurité.

Sur le second palier se tient un homme entre deux âges. Contrairement aux deux autres, il n’a pas d’objet dans la main, cette dernière est au contraire pendue à sa ceinture et l’autre main est cachée. La position de ses pieds fait écho à celle du vieillard. Plus important, il se tient entre les deux hommes ; il nous fait face en quelque sorte, mais son visage est légèrement tourné vers le vieillard et il soutient le troisième, le plus jeune, assis dos à lui.

Sur le haut du podium, le plus jeune donc. Contrairement aux deux autres, il est assis, adossé au deuxième. Il a dans ses mains un compas et une équerre (emblèmes des sciences exactes, de la rigueur scientifique et symboles divins, du Dieu architecte de Dante) et il regarde non pas l'horizon matinal, verdoyant, peint à l'arrière-plan, mais l'entrée de la grotte, qui à l'origine était beaucoup plus imposante, le tableau ayant été coupé. Le symbole de la grotte est très ancien, on le trouve dans beaucoup d’allegories, la plus célèbre étant celle sur laquellle un lycéen de terminale ne saurait faire l’impasse sous peine d’une rouste en rédac : la caverne de Platon, symbole d’illusions, des opinions trompeuses, des apparences immédiates. Et bien sûr, symbole retenu parmi les interprétations du tableau, les trois Rois mages venus d'Arabie pour adorer l'enfant Jésus.

Les trois hommes se tiennent hors de la grotte, ils incarnent des « philosophes », le terme générique utilisé pendant des siècles pour désigner, non pas Alain Finkielkraut, mais le savant, le scientifique, l’homme de raison, et dans cette époque de piété obligatoire d'avant 1905, la science associée à la spiritualité, la science comme seule et unique moyen d’accès aux desseins de Dieu, aux vérités éternelles.

Le premier homme incarne le sage de l’Antiquité grecque, Aristote (mais aussi, peut-être, un prophète de l’Ancien Testament, Moïse ou Abraham). Le troisième est le chrétien, issu d’un monde inachevé, à construire, à comprendre, à accomplir. Le second a une barbe et un turban, c’est un Arabe, il est celui qui transmet au troisième les connaissances et les valeurs du premier.  

Petite histoire derrière la grande, ou grande histoire derrière la petite, Giorgione a le mérite de nous rappeler dans un tableau d’une grande richesse iconographique ce que le Moyen-Âge doit aux Arabes, et que cette « civilisation chrétienne » que la fatuité ignarde de certains zélateurs de l’arène médiatique voudrait voir tomber du ciel pour justifier n’importe quoi, en glorieux "self-made man" fier de s'être fait tout seul, va chercher ses racines bien au-delà du Pirée.  

mardi 20 novembre 2012

L'Elysée ayant changé de locataire...changer d'image s'imposait.



mercredi 4 janvier 2012

Nos amis les passwords


Il s'appelle Basile Définitif, il a 30 ans, il gagne 2400 euros par mois, il a 378 amis sur Facebook, 43 de moins qu'il y a trois semaines du fait de sa rupture avec Hermine dont il n'est plus l'ami sur Facebook et du fait qu'Hermine a emporté avec elle ses 42 amis qui étaient aussi ses amis à lui. Ce soir, il va voir Intouchables, le buzz au 5 millions d'entrées et ensuite à la FNAC acheter l'album d'Adèle, vendu à 3,4 millions d'exemplaires avec 10 431 364 amis sur Facebook. Juste avant, il retire de l'argent au distributeur automatique avec sa nouvelle carte, une Gold, qui lui coûte 8 euros par mois. Il tape son code et retire 100 euros. A la FNAC, on lui dit que l'album d'Adèle est en rupture de stock alors il se rabat sur celui d'Amy Winhouse, le dernier, le tout dernier, qui en a vendu moins, 3,3 millions et en 5 ans en plus et avec moins d'amis sur Facebook (4 271 942 amis). Y a-t-il Facebook au paradis ? se demande Basile avec angoisse. En rentrant chez lui, il allume son ordinateur, tape son code utilisateur puis le code de son compte Twitter et découvre que les 3 tweets de sa pause déjeuner compte 11 followers de plus. Comme Intouchables l'a déprimé, il se sent mieux et envisage d'ouvrir un compte Google +. Puis il tape le code de son compte DHL pour vérifier où en est la livraison de son canapé, puis le code de son compte SNCF pour commander un billet Paris-Lyon afin de passer le week-end chez sa mère, puis le code de son compte BNP pour faire un virement à son club d'escrime pour le nouveau semestre, puis le code de son compte Amélie pour savoir combien ses nouvelles lunettes lui seront remboursées (quasiment rien), puis le code de son compte gmail pour envoyer 8 emails personnels puis le code de son compte professionnel pour envoyer à l'agent comptable un rappel de son remboursement de salaire non perçu. Puis le code de son compte Ebay afin de savoir où en sont les enchères de son PC portable Acer Aspire One. A 21h37, Basile a faim, alors il tape le code de son compte SushiMix et commande 6 Sushis et rien d'autre vu qu'il a ingéré dans la journée les 6 fruits et légumes recommandés. Puis il retape le code de son compte gmail pour savoir si Angélique lui avait répondue, il aperçoit la publicité BetweenBachelors sur le bord supérieur de la page qui prétend que 34 000 célibataires de sexe féminin n'attendent que lui. Angélique lui a répondu: c'est OK pour samedi. Il tape aussitôt le code de son compte Facebook et lui envoie une invitation pour être son ami. Ragaillardi, il tape le code de son compte Deezer et écoute le dernier album de David Guetta vendu à 1,5 millions d'exemplaires (21 millions d'amis sur Facebook) pendant qu'il écrit dans le carnet d'adresse de son iPhone, le 06 d'Angélique (298 amis sur Facebook). Il remarque que les 4 derniers chiffres de son 06 sont les 4 premiers chiffres de son numéro de carte vitale. Il se dit que c'est bon signe. Tout en mangeant ses sushis, il tape le code de son compte Facebook sur son iPhone et ajoute sur son mur le lien d'un truc qu'il vient de trouver cool, ce qui fait 8 nouveaux messages sur son mur, le chiffre qu'il s'est donné. A 22h26, il tape le code France telecom de son telephone fixe et une voix lui dit qu'il a 4 messages. Le message n°1 est un message de Klass&Zen qui lui annonce qu'il vient de gagner une séance d'UV gratuite et un cadeau d'un montant de 60 euros sur leur programme de remise en forme, le message n°2 est un message de sa mère qui lui demande à quelle heure il arrive, le message n°3 est un message de sa nouvelle conseillère banquaire lui proposant un rendez-vous pour faire plus ample connaissance, le message n°4 est un message de Cashcasino qui lui annonce qu'il a gagné sans dire quoi. Il est 22h37 et il a besoin qu'on le rassure. Avant d'éteindre son ordinateur, il tape son nom sur Google, il a 78 occurrences supplémentaires depuis le mois dernier mais dues malheureusement à l'existence de son homonyme qu'il déteste. Pour s'en remettre, il tape le code de son compte Streamclash et mate un quart d'heure de l'épisode 5 de la saison 2 de Breaking Bad. A 23h04, il se met au lit, compte le nombre de ses amis sur Facebook et s'endort au moment où il prononce le nom du 54ème.

Qui est Basile Définitif ?

Réponse: un être humain.

samedi 30 avril 2011

Les Chimpanzés de Marilyn Davenport

Marilyn Davenport boit de l'eau chaude

La facétieuse Marilyn Davenport, membre de l'ultra-conservateur Tea Party, s'est de nouveau illustrée vendredi 15 avril en balançant à quelques élus amis – enfin c'est ce qu'elle croyait- un email comportant un photomontage où l'on voit Obama en bébé singe avec papa et maman singe. Elle y ajoute cette légende: "Now you know why - No birth certificate !"

C'est semble t-il son boss du Orange County Republican, Scott Baugh, qui l'aurait dénoncée à OCWeekly, un canard local, celui d'Orange donc en Californie. Il en appelle maintenant à sa démission. Michael Schroeder, autre membre républicain du comté, enchaîna devant les micros de CBS qu'elle avait par le passé soutenu des actions de ce type commises par des trublions de son parti.

OCWeekly comporte sur sa page une copie de l'email que Davenport aurait envoyé à ses collègues, suite au scandale suscité par le photomontage, où elle déclare qu'au moment d'envoyer le truc, elle n'avait pas en tête qu'Obama est « half black ».

George W. Bush fut mainte fois comparé à un singe (tapez Bush + chimp sur Google) sans que personne ou presque ne s'en époumone. Et à l'évidence, on descend tous des singes, y compris madame Davenport. Ces arguments, nous les trouvons notamment sur le blog de John Craig, pas vraiment réputé raciste. Cela nous ramène à la question épineuse de la censure: Davenport prétend qu'en identifiant le président des Etats-Unis à un singe elle ne faisait pas référence au fait qu'il est le rejeton d'un Noir. Ben voyons !

Tout le monde sait que comparé au Tea Party, le FN est un comité de défense du métissage nudiste ! Mais l'ambiguité sémantique des images offre toujours aux agresseurs la possibilité du déni et aux dénonciateurs, le risque de se voir désignés eux-mêmes comme les auteurs d'une mauvaise conscience raciste. C'est en général la ligne de défense des vrais fachos mais aussi le reproche fait par les victimes du racisme à ceux qui prétendent les défendre en dénonçant les offenses dont ils ne souffrent pas et ne souffrirons jamais. L'indignation devient alors l'indice suspect des redresseurs de tort trop imaginatifs qui en accusant à tour de bras révèlent leurs préjugés. La suspicion s'accentue quand, en France par exemple, l'indignation alimentée par l'emballement médiatique est rarement suivie de faits, quand elle n'est pas carrément un prétexte pour ne rien faire...

Raison pour laquelle, suite à l'indignation publique engendrée par l'affaire Davenport, certains Noirs eurent l'impression d'être insultés une deuxième fois.

dimanche 19 septembre 2010

Comment j'ai filmé la bombe atomique

“One afternoon I was at Lookout Mountain right here in Hollywood, and I got a call from a Woody Mark. He said ‘George, I need you out here tomorrow for a special test.’ I got there that night and he said, ‘Tomorrow morning you’re going to go out with five other guys and you’re going to be standing at ground zero.’ I said, ‘Ground zero?’ He said. ‘Yeah, but the bomb’s gonna go off 10,000 feet above you.’ I said, ‘Well, what kind of protective gear am I going to have?’ He said ‘None.’ I remember I had a baseball hat, so I wore that just in case. He gave me a still camera, and two motion picture cameras. These were 35mm Eyemos. I set up the two Eyemos, and had little trip wires that I could trip with my foot starting about 5 seconds before the blast. And the still camera, I also had a trip wire so that I could trip it. I could get one exposure only. The five other guys were scientists and they volunteered to be there. I wasn’t a volunteer. I didn’t find out until I got there.”

-George Yoshitake (How to Photograph an Atomic Bomb, Peter Kuran, 2006)

Entre 1945 et 1962, les Etats-Unis, suivant leur programme de propagation des arsenaux nucléaires, procèdent à 200 essais dans l’atmosphère, principalement dans le pacifique et le désert du Nevada (le der des der de ces tests datant de 1992 puisqu'on continuait sous terre). George Yoshitake, aujourd'hui âgé de 82 ans, faisait partie de ces cameramen embauchés pour éterniser ces drôles de champignons volants, des bombes à hydrogènes mille fois plus puissantes que les explosions atomiques. Lui et ses films furent laissés dans l'ombre du secret d'Etat pendant 50 ans, jusqu'à ce que Clinton, en 1997, fasse lever le secret défense sur ces documents. La même année, la vingtaine de survivants, - beaucoup d’entre eux étaient morts de cancer - recevaient des honneurs bien mérités de la part de l'American Film Institute à Hollywood. Avant que Bush ordonne d’interrompre le processus suite aux attentats du 11 septembre.

Ces photographes et cameramen purent bénéficier, certes en matière radioactive mais aussi en cinéma, des dernières avancées technologiques, avant que les studios hollywoodiens ne les récupèrent, les militaires ayant toujours tout avant tout le monde.

Pour plus de détails.

samedi 18 septembre 2010

Toujours le ferrotype !


L’art bouffe tout, et c’est pas plus mal. Le ferrotype, inventé par un certain Adolphe Alexandre Martin en 1852, intéresse toujours les artistes. En voici deux, David Strohl et Erica Shires qui ne se lassent pas de faire du tintype. Une plaque de fer enduite de vernis noir puis passée au collodion.

Le ferrotype eut peu de succès en Europe ; il fallut attendre la version de l’américain Hannibal Smith pour que les ventes décollent, en pleine guerre de Sécession. Assez bon marché, elle permit aux gens modestes de se faire tirer le portrait avant le départ du fiston pour la boucherie. Peu fragile, on les envoyait par la poste.

Les photographes contemporains, qui ne visent qu’à exploiter à plein leur mode d’expression, en inventant non seulement une nouvelle façon voir le réel mais une nouvelle réalité visible se sont fait les héritiers de ces ingénieurs, qui eux prétendaient tout au contraire réaliser leur idéal d’un mode de reproduction parfait de la nature.

Photographies: Erica Shires

De la même façon, les célèbres clichés d'hystériques d'Albert Londe (1858-1917), photographe médical dans le service du professeur Charcot à la Pitié Salpétrière n'ont plus la fonction qu'ils avaient, celle d'embaumer l'être humain, mais de représenter autrement, sous une nouvelle forme esthétique, et d'être le témoin précurseur de la photographie elle-même.

Albert Londe: Radiographie de main,
Positif papier, 1898, Collection SFP


vendredi 17 septembre 2010

Dictionnaire du futur proche

L'écrivain canadien Douglas Coupland, qui avait en 1991 popularisé l'expression aujourd'hui désuète de "Generation X" nous a offert récemment dans le New York Times un dico joliment absurde sur nos pratiques culturelles et bizzareries psychiques.

(Je n'ai touché qu'à quelques titres - Titrophobia sans doute - car la plupart m'ont parus assez parlants comme ça et puis l'anglais comme l'allemand à ce que truc agaçant pour synthétiser tout, mais ce n'est peut-être qu'un anti native language speaking blindness de ma part. Quelques commentaires tout de même s'imposaient.)

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"Le truc avec le futur c'est qu'on ne le ressent jamais comme on pense qu'il serait. De nouvelles sensations nécessitent de nouveaux termes. Ces termes sont présentés ci-dessous pour résumer le moment présent".


Anticoupdeveine: situation dans l'univers dans laquelle existent des règles d'action rigides destinées à empêcher les coïncidences d'arriver. Etant donné le nombre infini de coïncidences qui pourraient arriver, très peu d'entre elles surviennent en fait. L'univers existe dans un état de haine de la coïncidence anti-coupdeveine.

Bell's law of telephony: quelque soit la technologie utilisée, votre facture mensuelle de téléphone reste surnaturellement de la même taille (NdT: en référence à Gordon Bell, précurseur du micro-ordinateur).

Bouillon lyrique: les paroles que l'on crée dans sa tête en l'absence de connaissance des paroles d'une chanson réelle.

Christmas-morning feeling: sensation créée par un stimulus de l'amygdale antérieure suscitant en nous une forte sensation d'attente.

Cloud blindness: incapacité de certaines personnes à voir des visages et des formes dans les nuages.

Cols-vides : originellement des employés de la classe-moyenne qui ne seront plus jamais de la classe moyenne et qui n'en finiront jamais avec ça.

Complex separation: théorie selon laquelle, en musique, une chanson nous laisse seulement une chance d'obtenir une première impression. Après cela, le cerveau commence à la décomposer, subdivisant l'expérience musicale en ses divers éléments - vocal, mélodique, etc.

Cover buzz: sensation ressentie en écoutant une reprise d'une chanson que l'on connaît déjà.

Crystallographic money theory: hypothèse selon laquelle l'argent est une condensation ou une cristallisation du temps et de notre propre volonté, les deux caractéristiques qui séparent les êtres humains des autres espèces.

Dénarration: processus par lequel notre propre vie n'est plus ressentie comme étant une histoire.

Déségotisation: diluer volontier notre amour propre et notre ego en accumulant le plus possible d'informations sur Internet (voir aussi Omniscience Fatigue; Re-égotisation).

Deusmania: version extrême du "Christmas Morning Feeling".

Dimanchophobia: peur des dimanche, une condition qui reflète la peur d'un temps non structuré. Connue aussi sous la forme d'anxiété acalandriérique. A ne pas confondre avec la didominicaphobia ou lakyriakephobia, qui sont des Jourduseigneurphobia.

Dysphorie des aéroports : décrit dans quelle mesure le voyage moderne dépouille le voyageur d'un amour propre suffisant pour susciter un besoin d'acheter des autocollants et des bibelots censés chouchouter son moi légèrement érodé (NdT: et plein de conneries détaxées).

Fictive rest : incapacité de beaucoup de gens à s'endormir jusqu'à ce qu'ils aient lu la plus infime partie de fiction.

Flouté zoosomnial : idée que les animaux ne voient probablement pas la différence entre le rêve et l'éveil (NdT: par exemple, devant un plateau de fruits de mer, ou n'importe quoi d'encore vivant).

Frankentime: la manière d'éprouver le temps quand vous réalisez que vous passez la plus grande partie de votre existence avec et dans l'entourage d'un ordinateur et d'Internet.

Gaziniax: un médicament micro-dosé du futur destiné à stopper radicalement des cas spécifiques O.C.D., à savoir dans le cas présent, une compulsion impliquant une incapacité à se convaincre soi-même après son départ que la gazinière est bien fermée (NdT: Mégonax étant prescrit quant à lui contre les hallucinations de mégots allumés dans le sac poubelle de la cuisine.)

Grim truth : vous êtes plus fortiche que la télé. Et alors ?

Humanalia: choses faites par les êtres humains qui existent seulement sur terre et nulle part ailleurs dans l'univers. Cela comprend notamment le Teflon, le NutraSweet, le Lexomil et des morceaux de taille suffisante de l'élément de numéro atomique 43, le technetium.

Ikeasis: dans le quotidien, le désir de s'accrocher à des objets conçus "génériquement". Ce besoin pour des formes limpides et rassurantes est une manière de simplifier sa vie contre l'assaut des informations environnantes.

Instant réincarnation: le fait que la plupart des adultes, quelque soit leur degré de réussite, désirent un changement radical dans leur vie. Cette appétit de réincarnation bien qu'encore vivace, est pratiquement universel.

Internal voice blindness: inaptitude quasi universelle des gens à articuler le ton et la personalité de ce qui forme leur monologue intérieur.

Interruption-driven memory: on ne se souvient que de la circulation des lumières rouges, jamais des vertes. Les vertes nous maintiennent dans le flux, les rouges nous interrompent et nous saoulent.

Intraffinital melancholy vs. extraffinital melancholy: qu'est-ce qu'être le plus seul: être célibataire et seul ou être seul dans une relation finie ?

Intravincular familial silence: nous avons besoin de fréquenter nos familles, non pas que nous ayons tellement d'expériences en commun mais parce qu'elles savent précisément quels sujets éviter.

Karaokeal amnesia: la plupart des gens ne connaissent pas la totalité des paroles d'à peu près toutes les chansons, particulièrement celles qui leur tiennent le plus à coeur (voir aussi Bouillon lyrique).

Limited pool romantic theory: croyance qu'il y a un nombre fini de fois où on peut tomber amoureux, le plus généralement six.

Malfactory aversion: capacité à s'imaginer ce que dans la vie vous faites mal, et donc de vous arrêter de le faire.

Me goggles: inaptitude à se percevoir correctement comme le font les autres (NdT: question: l'insensibilité au ridicule est-elle culturelle ?).

Memesphere: royaume des idées culturellement tangibles.

Omniscience fatigue: surmenage qui survient quand on est capable de connaître la réponse d'à peu près tout online.

Post-human: quoique ce soit que nous deviendrons ensuite.

Proceleration: accélération de l'accélération.

Pseudoalienation: inaptitude des êtres humains à créer d'authentiques situations aliénantes. Tout ce qui est fait par l'homme est de facto l'expression de son humanité. La technologie ne peut être aliénante parce que les hommes la créent. Les technologies véritablement extra-terrestres ne peuvent être créées que par des extra-terrestres. Techniquement, une situation qu'on pourrait décrire comme aliénante est en fait, "humanisante".

Rosenwald's theorem: croyance selon laquelle tous les gens mauvais ont de l'amour propre (NdT: private joke américaine: en référence au dernier ouvrage de la très arty Laurie Rosenwald: "All the wrong people have self-esteem:an inappropriate book for young ladies".)

Situational disinhibition: situations sociales en vertu desquelles on est autorisé à être désinhibé, à savoir des moments de désinhibition culturellement acceptés: en parlant avec des voyants, des chiens ou tout autre animal de compagnie, des étrangers et des patrons de bar, ou avec des jeux de Tarot (NdT: son ordinateur, sa voiture marchent aussi).

Standard deviation: se sentir unique ne prouve pas qu'on l'est, et pourtant c'est par le sentiment d'être unique qu'on s'est convaincu d'avoir une âme (NdT: message d'un lecteur du NYTimes: être un surdoué en math est la façon la plus sûre aux Etats-Unis de se sentir unique).

Star shock: la façon disproportiopnnée avec laquelle rencontrer des célébrités donne l'impression d'être dans un extrait de "Ma vie change" (NdT: vu les cyphoses de la télé, et en référence à W. Allen cité en exergue de ce blog - Secret Story et consorts -, un extrait de "Ma vie de merde" serait peut-être plus approprié).

Re-egotisation: tentative, en général désespérée et vaine, de renverser le processus de déségotisation.

No comment
(Photo: Reuters)