jeudi 14 novembre 2013
Petite leçon de civilisation par Giorgione (1477-1510)
mercredi 4 janvier 2012
Nos amis les passwords

Il s'appelle Basile Définitif, il a 30 ans, il gagne 2400 euros par mois, il a 378 amis sur Facebook, 43 de moins qu'il y a trois semaines du fait de sa rupture avec Hermine dont il n'est plus l'ami sur Facebook et du fait qu'Hermine a emporté avec elle ses 42 amis qui étaient aussi ses amis à lui. Ce soir, il va voir Intouchables, le buzz au 5 millions d'entrées et ensuite à la FNAC acheter l'album d'Adèle, vendu à 3,4 millions d'exemplaires avec 10 431 364 amis sur Facebook. Juste avant, il retire de l'argent au distributeur automatique avec sa nouvelle carte, une Gold, qui lui coûte 8 euros par mois. Il tape son code et retire 100 euros. A la FNAC, on lui dit que l'album d'Adèle est en rupture de stock alors il se rabat sur celui d'Amy Winhouse, le dernier, le tout dernier, qui en a vendu moins, 3,3 millions et en 5 ans en plus et avec moins d'amis sur Facebook (4 271 942 amis). Y a-t-il Facebook au paradis ? se demande Basile avec angoisse. En rentrant chez lui, il allume son ordinateur, tape son code utilisateur puis le code de son compte Twitter et découvre que les 3 tweets de sa pause déjeuner compte 11 followers de plus. Comme Intouchables l'a déprimé, il se sent mieux et envisage d'ouvrir un compte Google +. Puis il tape le code de son compte DHL pour vérifier où en est la livraison de son canapé, puis le code de son compte SNCF pour commander un billet Paris-Lyon afin de passer le week-end chez sa mère, puis le code de son compte BNP pour faire un virement à son club d'escrime pour le nouveau semestre, puis le code de son compte Amélie pour savoir combien ses nouvelles lunettes lui seront remboursées (quasiment rien), puis le code de son compte gmail pour envoyer 8 emails personnels puis le code de son compte professionnel pour envoyer à l'agent comptable un rappel de son remboursement de salaire non perçu. Puis le code de son compte Ebay afin de savoir où en sont les enchères de son PC portable Acer Aspire One. A 21h37, Basile a faim, alors il tape le code de son compte SushiMix et commande 6 Sushis et rien d'autre vu qu'il a ingéré dans la journée les 6 fruits et légumes recommandés. Puis il retape le code de son compte gmail pour savoir si Angélique lui avait répondue, il aperçoit la publicité BetweenBachelors sur le bord supérieur de la page qui prétend que 34 000 célibataires de sexe féminin n'attendent que lui. Angélique lui a répondu: c'est OK pour samedi. Il tape aussitôt le code de son compte Facebook et lui envoie une invitation pour être son ami. Ragaillardi, il tape le code de son compte Deezer et écoute le dernier album de David Guetta vendu à 1,5 millions d'exemplaires (21 millions d'amis sur Facebook) pendant qu'il écrit dans le carnet d'adresse de son iPhone, le 06 d'Angélique (298 amis sur Facebook). Il remarque que les 4 derniers chiffres de son 06 sont les 4 premiers chiffres de son numéro de carte vitale. Il se dit que c'est bon signe. Tout en mangeant ses sushis, il tape le code de son compte Facebook sur son iPhone et ajoute sur son mur le lien d'un truc qu'il vient de trouver cool, ce qui fait 8 nouveaux messages sur son mur, le chiffre qu'il s'est donné. A 22h26, il tape le code France telecom de son telephone fixe et une voix lui dit qu'il a 4 messages. Le message n°1 est un message de Klass&Zen qui lui annonce qu'il vient de gagner une séance d'UV gratuite et un cadeau d'un montant de 60 euros sur leur programme de remise en forme, le message n°2 est un message de sa mère qui lui demande à quelle heure il arrive, le message n°3 est un message de sa nouvelle conseillère banquaire lui proposant un rendez-vous pour faire plus ample connaissance, le message n°4 est un message de Cashcasino qui lui annonce qu'il a gagné sans dire quoi. Il est 22h37 et il a besoin qu'on le rassure. Avant d'éteindre son ordinateur, il tape son nom sur Google, il a 78 occurrences supplémentaires depuis le mois dernier mais dues malheureusement à l'existence de son homonyme qu'il déteste. Pour s'en remettre, il tape le code de son compte Streamclash et mate un quart d'heure de l'épisode 5 de la saison 2 de Breaking Bad. A 23h04, il se met au lit, compte le nombre de ses amis sur Facebook et s'endort au moment où il prononce le nom du 54ème.
Qui est Basile Définitif ?
Réponse: un être humain.
samedi 30 avril 2011
Les Chimpanzés de Marilyn Davenport

La facétieuse Marilyn Davenport, membre de l'ultra-conservateur Tea Party, s'est de nouveau illustrée vendredi 15 avril en balançant à quelques élus amis – enfin c'est ce qu'elle croyait- un email comportant un photomontage où l'on voit Obama en bébé singe avec papa et maman singe. Elle y ajoute cette légende: "Now you know why - No birth certificate !"
C'est semble t-il son boss du Orange County Republican, Scott Baugh, qui l'aurait dénoncée à OCWeekly, un canard local, celui d'Orange donc en Californie. Il en appelle maintenant à sa démission. Michael Schroeder, autre membre républicain du comté, enchaîna devant les micros de CBS qu'elle avait par le passé soutenu des actions de ce type commises par des trublions de son parti.
OCWeekly comporte sur sa page une copie de l'email que Davenport aurait envoyé à ses collègues, suite au scandale suscité par le photomontage, où elle déclare qu'au moment d'envoyer le truc, elle n'avait pas en tête qu'Obama est « half black ».
George W. Bush fut mainte fois comparé à un singe (tapez Bush + chimp sur Google) sans que personne ou presque ne s'en époumone. Et à l'évidence, on descend tous des singes, y compris madame Davenport. Ces arguments, nous les trouvons notamment sur le blog de John Craig, pas vraiment réputé raciste. Cela nous ramène à la question épineuse de la censure: Davenport prétend qu'en identifiant le président des Etats-Unis à un singe elle ne faisait pas référence au fait qu'il est le rejeton d'un Noir. Ben voyons !
Tout le monde sait que comparé au Tea Party, le FN est un comité de défense du métissage nudiste ! Mais l'ambiguité sémantique des images offre toujours aux agresseurs la possibilité du déni et aux dénonciateurs, le risque de se voir désignés eux-mêmes comme les auteurs d'une mauvaise conscience raciste. C'est en général la ligne de défense des vrais fachos mais aussi le reproche fait par les victimes du racisme à ceux qui prétendent les défendre en dénonçant les offenses dont ils ne souffrent pas et ne souffrirons jamais. L'indignation devient alors l'indice suspect des redresseurs de tort trop imaginatifs qui en accusant à tour de bras révèlent leurs préjugés. La suspicion s'accentue quand, en France par exemple, l'indignation alimentée par l'emballement médiatique est rarement suivie de faits, quand elle n'est pas carrément un prétexte pour ne rien faire...
Raison pour laquelle, suite à l'indignation publique engendrée par l'affaire Davenport, certains Noirs eurent l'impression d'être insultés une deuxième fois.
dimanche 19 septembre 2010
Comment j'ai filmé la bombe atomique

“One afternoon I was at Lookout Mountain right here in Hollywood, and I got a call from a Woody Mark. He said ‘George, I need you out here tomorrow for a special test.’ I got there that night and he said, ‘Tomorrow morning you’re going to go out with five other guys and you’re going to be standing at ground zero.’ I said, ‘Ground zero?’ He said. ‘Yeah, but the bomb’s gonna go off 10,000 feet above you.’ I said, ‘Well, what kind of protective gear am I going to have?’ He said ‘None.’ I remember I had a baseball hat, so I wore that just in case. He gave me a still camera, and two motion picture cameras. These were 35mm Eyemos. I set up the two Eyemos, and had little trip wires that I could trip with my foot starting about 5 seconds before the blast. And the still camera, I also had a trip wire so that I could trip it. I could get one exposure only. The five other guys were scientists and they volunteered to be there. I wasn’t a volunteer. I didn’t find out until I got there.”
-George Yoshitake (How to Photograph an Atomic Bomb, Peter Kuran, 2006)
Entre 1945 et 1962, les Etats-Unis, suivant leur programme de propagation des arsenaux nucléaires, procèdent à 200 essais dans l’atmosphère, principalement dans le pacifique et le désert du Nevada (le der des der de ces tests datant de 1992 puisqu'on continuait sous terre). George Yoshitake, aujourd'hui âgé de 82 ans, faisait partie de ces cameramen embauchés pour éterniser ces drôles de champignons volants, des bombes à hydrogènes mille fois plus puissantes que les explosions atomiques. Lui et ses films furent laissés dans l'ombre du secret d'Etat pendant 50 ans, jusqu'à ce que Clinton, en 1997, fasse lever le secret défense sur ces documents. La même année, la vingtaine de survivants, - beaucoup d’entre eux étaient morts de cancer - recevaient des honneurs bien mérités de la part de l'American Film Institute à Hollywood. Avant que Bush ordonne d’interrompre le processus suite aux attentats du 11 septembre.
Ces photographes et cameramen purent bénéficier, certes en matière radioactive mais aussi en cinéma, des dernières avancées technologiques, avant que les studios hollywoodiens ne les récupèrent, les militaires ayant toujours tout avant tout le monde.
samedi 18 septembre 2010
Toujours le ferrotype !
Le ferrotype eut peu de succès en Europe ; il fallut attendre la version de l’américain Hannibal Smith pour que les ventes décollent, en pleine guerre de Sécession. Assez bon marché, elle permit aux gens modestes de se faire tirer le portrait avant le départ du fiston pour la boucherie. Peu fragile, on les envoyait par la poste.
Les photographes contemporains, qui ne visent qu’à exploiter à plein leur mode d’expression, en inventant non seulement une nouvelle façon voir le réel mais une nouvelle réalité visible se sont fait les héritiers de ces ingénieurs, qui eux prétendaient tout au contraire réaliser leur idéal d’un mode de reproduction parfait de la nature.
Photographies: Erica Shires
De la même façon, les célèbres clichés d'hystériques d'Albert Londe (1858-1917), photographe médical dans le service du professeur Charcot à la Pitié Salpétrière n'ont plus la fonction qu'ils avaient, celle d'embaumer l'être humain, mais de représenter autrement, sous une nouvelle forme esthétique, et d'être le témoin précurseur de la photographie elle-même.